Nous ne parlons ici que de l'informatique de gestion. En effet, l'informatique industrielle, celle qui pilote les usines et les processus de production fait, sans conteste partie de l'informatique stratégique, avec les investissements stratégiques de l'entreprise comme les usines, machines, … Dans certaines entreprises, qui utilisent l'informatique tant pour la gestion que pour la production, les responsables sont parfois différents pour ces deux domaines.

Sans que cela ne transparaisse au grand jour, il existe dans nos entreprises deux d'informatiques de gestion profondément différentes même si en surface elles se ressemblent.

L'informatique tirée par les coûts n'améliore que les processus existants de l'entreprise

Pour commencer, introduisons la plus ancienne, l'informatique tirée par les coûts. Comme son nom le laisse supposer, elle appartient aux centres de coûts des entreprises, elle ne produit pas de valeur autre que celle de la réduction des coûts des processus qu'elle permet d'automatiser. La proposition de valeur réside dans l'amélioration d'un processus existant de l'entreprise. Rentrent dans cette catégorie, comptabilité, gestion de stocks, facturation, … bref, tous ces processus de gestion que l'informatique accompagne.

L'informatique stratégique est au cœur du métier et non fonction de support

L'informatique stratégique elle, participe à la production de produits et de services vendus par l'entreprise. L'informatique est là au cœur du métier et non fonction de support. Grâce à son système d'information, une entreprise peut proposer des produits innovants et différenciants. Dans ce monde, la maîtrise des coûts est importante mais ces derniers sont à mettre en regard avec les revenus qu'ils génèrent. L'informatique stratégique tient la même place au sein de l'entreprise que les autres moyens de production. On retrouve ce type d'informatique dans différents domaines : l'informatique financière sans laquelle les produits vendus par les banques ne pourraient exister, l'informatique des opérateurs de télécommunication et en particulier la facturation, sans laquelle les offres des opérateurs ne pourraient s'adapter à la concurrence, …

L'emprise croissante de la dématérialisation impose l'informatique stratégique

Les situations ne sont pas figées : sous le coup de la révolution internet et maintenant de l'internet mobile, l'informatique est de plus en plus souvent associée à un produit ou service d'une entreprise. Sans considérer l'exemple évident des systèmes de e-commerce, bon nombre de produits ou de services vendus par les entreprises comportent un volet informatique. Un exemple du quotidien : un transporteur comme UPS fourni à ses clients un service électronique de suivi des colis qu'il achemine. Son image de marque vis à vis de ses clients dépend maintenant autant de la fiabilité de son service de transport – cœur de métier de l'entreprise - que de son service informatique. Une panne de ce service, une inexactitude sur la localisation des colis a un impact fort sur l'image de l'entreprise.

La gestion de ces deux informatiques est très différente

Naturellement, à la lumière de ces exemples, on comprend que ces deux types d'informatique sont gérés très différemment. La première, tirée par les coûts, chercher à obtenir le service pour la dépense minimale non sans impact sur la qualité. La recherche des coûts minimaux conduit assez rapidement à des solutions de mutualisation par des moyens externalisés. Progressivement, une distance s'établit entre les utilisateurs de l'application et l'équipe informatique. L'incompréhension et la défiance naissent surtout si des changements sont apportés à l'application ; les différentes équipes n'ont pas les mêmes objectifs : le ou les prestataires profitent de chaque changement pour facturer des « demandes de changement » plutôt qu'accompagner efficacement son client dans ses demandes d'évolution.

Pour l'informatique stratégique, le démarche est toute autre : la priorité n'est pas sur le coût le plus faible. Le volet informatique du produit ou service commercialisé par l'entreprise doit être livré à temps, comporter les fonctionnalités attendues, apporter une valeur ajoutée issue du savoir faire de l'entreprise... bref, on se situe ici dans le cœur de métier de l'entreprise. Même si la sous-traitance peut être utilisée - point d'externalisation dans ce contexte stratégique - il faut maîtriser le projet sous tous ses angles, avoir un circuit de décision sous contrôle, comme pour tout produit de l'entreprise.

Surtout ne pas mélanger !

Comme on le voit, nous parlons dans les deux approches d'informatique de gestion, mais les cultures, les approches, les moyens sont très différents. La méconnaissance de ces différences induit souvent des comportements « hybrides » particulièrement pénalisants.

Quand un responsable informatique, à la tête d'une informatique stratégique, « oublie » le caractère particulier de son fonctionnement en cédant aux sirènes de la mode d'offshoring, d'outsourcing, … il commet une énorme erreur aux lourdes conséquences. Rapidement, mais malheureusement pas immédiatement, l'externalisation introduit la distance évoquée plus haut, les équipes ne comprennent pas ce changement et leur motivation s'en trouve affectée et finalement, le service informatique n'est plus en mesure d'être au cœur des produits de l'entreprise.

Dans le cas symétrique, on observe également des difficultés. On ne transforme pas d'un coup de baguette magique une informatique focalisée sur les coûts en une informatique stratégique capable de produire des produits innovants pour l'entreprise. La distance, encore elle, rend impossible une communication fluide entre informaticiens (souvent externes) et clients, communication cependant indispensable à l'élaboration d'un produit.

Ce petit éclairage explique bien des catastrophes rencontrées dans nos services d'informatique de gestion ainsi que la grande frustration rencontrée tant du côté utilisateur que du côté informaticien.